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Une piste de réponse dans cette tribune : https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/07/03/les-cours-criminelles-departementales-contribuent-a-la-perpetuer-l-invisibilisation-des-crimes-de-viol_6180366_3232.html

Depuis le 1er janvier 2023, les viols sont symboliquement devenus des crimes de « seconde classe », réduisant à néant le long combat de Gisèle Halimi pour qu’ils soient jugés comme des crimes à part entière, mais aussi celui de toutes celles et ceux qui luttent contre les violences sexistes et sexuelles.

En effet, face au manque de moyens alloués à la justice et au nombre d’affaires de viol devant être jugées, la seule réponse du gouvernement a été l’instauration des cours criminelles départementales, expérimentées dans plusieurs départements depuis 2019. Or ces cours ne permettent pas une prise en compte adaptée, par la justice, du problème public des violences sexistes et sexuelles.

Pour rappel, selon l’Observatoire national des violences faites aux femmes, on compte en France 94 000 femmes majeures se déclarant victimes de viol ou de tentative de viol par an, soit une toutes les six minutes. Malgré les nombreuses voix qui se sont élevées contre cette réforme et les carences constatées dans le rapport rendu par le comité d’évaluation en octobre 2022, les cours criminelles départementales sont à présent les seules juridictions chargées de juger toute personne majeure accusée d’un crime puni jusqu’à 20 ans de réclusion criminelle, hors récidive.

En pratique, les affaires jugées par ces cours sont, dans près de 90 % des cas, des affaires de viol. Présentées par le gouvernement comme une alternative permettant d’éviter la correctionnalisation des viols – pratique consistant à disqualifier le viol pour le juger comme un délit d’agression sexuelle devant un tribunal correctionnel sans jurés, dans une optique de gain de temps –, les cours criminelles départementales, en écartant le jury populaire, s’apparentent pourtant à une forme de correctionnalisation. Cette réforme est un non-sens démocratique

Le viol n’est en effet plus jugé par une cour d’assises comme les autres crimes. Poursuivant une logique gestionnaire, le gouvernement a souhaité faire des économies en supprimant le jury populaire, les cours criminelles étant exclusivement composées de magistrates et de magistrats professionnels. Ces prétendues réductions de coût se font au détriment des citoyennes et des citoyens, de la démocratie et du traitement judiciaire des crimes de viol.

Nous, citoyennes et citoyens engagés, femmes et hommes appartenant à des associations et collectifs féministes, à des organisations de la société civile, aux professions du droit et du monde judiciaire, considérons que cette réforme est un non-sens démocratique ainsi qu’un recul des droits des femmes et des minorités de genre et nous dénonçons l’instauration de ces cours criminelles.

Parce que la « densité émotionnelle des récits redonne un contenu aux mots du droit », Denis Salas a choisi, pour raconter le déni séculaire du viol, d’adopter une approche « narrative ». De Maupassant à Nancy Huston en passant par Montherlant ou J. M. Coetzee, le magistrat et essayiste puise dans la littérature, mais aussi dans les témoignages et dans les comptes rendus judiciaires, des récits qui permettent de mesurer la « brutalité immémoriale » des hommes envers les femmes. Cinq ans après #metoo, il décrypte avec beaucoup de justesse et de subtilité la manière dont la révolte contre le viol a engendré une nouvelle sensibilité collective « centrée sur la femme, son histoire, son corps et ses droits ».

Denis Salas n’en oublie pas pour autant qu’il est, depuis des décennies, un fin analyste de la justice pénale française – il préside aux destinées des Cahiers de la justice et de l’Association française pour l’histoire de la justice. Son approche narrative se double donc d’une analyse approfondie et documentée des silences, des impasses mais aussi des vertus des instances judiciaires. Le monde du droit, montre-t-il dans cet ouvrage passionnant, est capable de « faire progresser la cause des sujets sans droits » : quand les récits des victimes « déplacent les normes du langage, contestent les intérêts dominants, bousculent les hiérarchies en place », la justice devient un « point d’appui solide pour reprendre pied dans le monde ».

D’un point de vue pratique, les objectifs des cours criminelles départementales n’ont pas été atteints. Selon le dernier rapport d’évaluation, ni la correctionnalisation, ni le temps d’audiencement, ni la durée des audiences n’ont été significativement réduits. En tout état de cause, l’objectif de réduction du temps d’audience poursuivi par la réforme est un retour en arrière dans l’attention portée aux femmes victimes et à leur traumatisme. Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Justice : la généralisation des cours criminelles départementales contestée

En outre, le taux d’appel des décisions des cours criminelles témoigne de l’insatisfaction des justiciables sur la manière dont les audiences s’y déroulent : 23 % pour les affaires de viol jugées par les cours criminelles départementales, contre 17 % devant les cours d’assises. D’un point de vue social et psychologique, elles empêchent les victimes de viol de faire entendre leur voix largement. Reléguer le crime de viol au second plan

L’espace de parole donné aux victimes est d’autant plus important qu’il s’agit d’un crime caractérisé par la loi du silence qui empêche encore trop de victimes de demander justice : en 2016, seulement 12 % des victimes d’agressions sexuelles portaient plainte, selon les chiffres relayés par le gouvernement. Le Monde Ateliers Cours en ligne, cours du soir, ateliers : développez vos compétences Découvrir

D’un point de vue démocratique, ces cours criminelles soustraient le crime de viol à la connaissance des jurys citoyens amenés à siéger en cour d’assises. Les citoyennes et citoyens sont désormais mis à l’écart de l’œuvre de justice en matière de violences sexuelles. Cela prive donc une partie de la population d’une sensibilisation à la réalité de ces crimes et de la possibilité de participer à la manière dont ils sont jugés. Cela contribue à la perpétuation de l’invisibilisation des crimes de viol. Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Laurence Vichnievsky : « La création d’une juridiction spéciale contre les violences intrafamiliales est une fausse bonne idée »

D’un point de vue juridique et politique, faire juger les viols par une juridiction criminelle distincte revient à les disqualifier et ne résout pas le problème éminemment éthique et juridique de la correctionnalisation. Faire juger les crimes sexuels par une juridiction compétente pour connaître des crimes dits « les moins graves » minimise le crime de viol dans l’esprit du plus grand nombre. Elle relègue le crime de viol au second plan par rapport aux autres crimes. Préserver le jury populaire et sauver les assises

Alors que le projet de loi de programmation et d’orientation de la justice 2023-2027 est actuellement débattu à l’Assemblée après avoir été voté par le Sénat, nous appelons les députés à voter les amendements à l’article 3 qui visent à supprimer les cours criminelles départementales, préserver le jury populaire et sauver les assises ! Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « La généralisation des cours criminelles paraît relever de l’absurde »

Nous demandons aux pouvoirs publics de prendre la mesure de la gravité et de la singularité du crime de viol. Nous demandons une augmentation du budget alloué à la justice et au programme de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes pour lutter efficacement contre les violences sexistes et sexuelles et pour que les procès qui en découlent se déroulent dans le respect des droits des victimes et des principes fondamentaux de notre République.

Nous demandons le recrutement de personnels judiciaires supplémentaires pour le jugement des violences sexistes et sexuelles. Le viol doit faire l’objet de réformes à la mesure de la gravité et de l’ampleur du problème public qu’il représente. Voter pour qu’il ne devienne pas un crime de « seconde classe » est indispensable.

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Le CESE, c’est quoi ? C’est le Conseil économique, social et environnemental, et avec l’Assemblée Nationale et le Sénat, c’est la troisième Assemblée citée dans la Constitution. Moins connue que les deux autres, son rôle est pourtant très important puisqu’elle assure le lien entre les pouvoirs publics et nous, les citoyens. Historiquement, la mission du CESE est de conseiller le Gouvernement et le Parlement dans l’élaboration des lois et des politiques publiques. Plus récemment, c’est aussi devenu la chambre de la participation citoyenne. En résumé, le CESE c’est le trait d’union entre les pouvoir publics et la société civile

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C’est comme la saison 6 d’une mauvaise série sur Netflix, dont le scénariste serait désespérément en panne d’inspiration. C’est le retour du vieux refrain de l’austérité. Evidemment, les gouvernements évitent d’utiliser ce mot, trop souvent synonyme de souffrance sociale. Mais la rengaine de la dette s’installe et les éditorialistes reprennent le lexique habituel : les Français vont devoir se serrer la ceinture, nous sommes trop dépensiers, nous vivons au-dessus de nos moyens…

Examinons un peu les fondements de ce discours. D’abord, il y a la fameuse dette, qui atteint, en 2024, la somme vertigineuse de 3 154 milliards d’euros, soit 110 % du PIB. Si cette dette est trop élevée, il existe pourtant une solution : il suffit d’augmenter les prélèvements et les cotisations sociales pour répondre à nos besoins collectifs.

Mais les promoteurs du libéralisme économique sortent alors leur joker. Ce n’est pas possible, la France croule déjà sous les prélèvements obligatoires (51,5 % du PIB), ce qui ferait fuir les riches et limiterait les investisseurs. Donc, l’unique solution, vantée à longueur d’antenne, est de baisser les dépenses publiques (l’école ou l’hôpital) et de diminuer les droits des salariés, des chômeurs et des retraités.

Dépense publique et services rendus Tout d’abord, nous avons une population vieillissante, des salariés de la fonction publique mal payés et des enjeux écologiques gigantesques. Cela pourrait justifier une augmentation de nos dépenses publiques. Or, ces dépenses sont passées de 56,5 % du PIB en 1993 à 57 % en 2023. En réalité, la richesse que nous allouons aux dépenses publiques n’augmente presque pas depuis dix ans. Avec Emmanuel Macron, les recettes ont en revanche fortement chuté, passant de 54,3 % du PIB à 51,5 % du PIB.

Autre sujet, la France présente une dépense publique effectivement plus élevée que la moyenne européenne, qui s’établit à 50 % du PIB. Mais il faut rapporter la dépense publique aux services rendus. Par exemple, en France, un patient atteint par une maladie de longue durée est pris médicalement en charge à 100 % et son revenu – au moins au début – est maintenu. Cette dépense est incluse dans « la dépense publique ». Ce n’est pas le cas dans tous les pays.

Autre exemple, un contribuable anglais paye moins d’impôts, mais doit économiser beaucoup d’argent pour que ses enfants puissent suivre des études supérieures à l’université, dont les frais d’inscription oscillent entre 4 000 et 10 000 euros contre 175 euros en France. Ce que le contribuable étranger ne paye pas en impôts, souvent il le paye en dette ou en assurances. Et il le paye parfois plus cher. En France, les dépenses de santé avoisinent les 5 000 euros par habitant contre 6 000 euros en Allemagne et près de 10 600 euros aux Etats-Unis…

En réalité, le chantage à la dette permet surtout de diminuer les dépenses publiques et de déléguer les services rendus par le service public à la sphère privée : fonds de pension pour les retraites, cliniques, écoles ou crèches privées pour la santé et l’éducation. Ce mécanisme permet aux plus riches et aux actionnaires de continuer à s’enrichir. Les 10 % plus riches possèdent aujourd’hui 54 % du patrimoine des Français contre 41 % en 2010.

Durant la présidence d’Emmanuel Macron, les dividendes versés aux actionnaires du CAC40 sont passés de 42,7 milliards à 67,8 milliards d’euros. Enfin, les dépenses publiques en France ne découragent pas les investisseurs étrangers. C’est faux. Selon le rapport sur le commerce et le développement de 2023, la France est au contraire l’une des destinations les plus attractives au monde pour les investisseurs étrangers. Depuis 2019, c’est même la première destination pour les capitaux étrangers en Europe devant la Grande-Bretagne et l’Allemagne.

La dette publique française touche un nouveau sommet Une augmentation des prélèvements obligatoires et des cotisations sociales est possible. Elle permettrait de stabiliser la dette et d’investir massivement dans la planification écologique et les services publics. Pour cela, il est souhaitable de revenir sur la politique d’exonération de cotisations sociales pour assurer une retraite à 60 ans et améliorer l’état de l’hôpital. Les taux effectifs de prélèvement à la charge des employeurs pour une rémunération équivalente au smic sont passés de 42,6 % en 1991 à 6,9 % aujourd’hui !

La vie écologiquement insoutenable des riches Enfin, comme le préconise l’économiste Thomas Piketty, il faut retrouver des taux marginaux de 80 % sur les rémunérations annuelles – en y incluant les revenus du capital – dépassant le million d’euros. Pour conclure, ce sur quoi je voudrais attirer l’attention est que cette taxation des plus riches est aussi nécessaire du point de vue écologique.

En effet, les plus riches ont un mode de vie écologiquement insoutenable. Par exemple, les revenus sont le premier facteur de variation de l’empreinte carbone totale. Elle est de 7 tonnes de CO2 par an pour les ménages ayant un revenu mensuel inférieur à 1 500 euros et dépasse les 10 tonnes de CO2 pour ceux ayant un revenu supérieur à 6 500 euros. Une taxation plus forte des plus riches les contraindrait à changer leur mode de vie : renouveler moins fréquemment leurs ordinateurs et leurs téléphones portables, renoncer aux yachts et aux jets privés, limiter leur nombre de piscines, choisir des voitures moins grosses, moins hautes, moins puissantes, et donc moins émettrices de CO2.

A l’autre extrémité du champ social, une meilleure répartition des richesses permettrait aux 10 % les plus pauvres de mieux se nourrir et donc de consommer une alimentation produite plus localement et moins transformée. Une meilleure alimentation, un environnement plus sain, c’est, à terme, moins de dépenses de santé et donc moins de dettes… Et si la solution à la dette écologique et financière était l’austérité et la sobriété pour les plus riches ?

Hendrik Davi (député des Bouches-du-Rhône, membre de la Gauche écosocialiste

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Durant les six premiers mois de 2024, des libraires belges et français ont mené une grève singulière. L’association Pour l’écologie du livre proposait une « trêve des nouveautés » en refusant certains titres sur des critères volontairement nébuleux ou surprenants : les parutions d’un mois sur deux, le catalogue d’une seule maison d’édition, un seul titre par structure, ou encore en refusant les couvertures bleues, les auteurs d’un certain renom, etc. « À système absurde, réponse absurde », explique en souriant Mme Anaïs Massola, présidente de l’association. « Notre proposition a fait sens, non pas parce qu’elle était radicale, mais parce qu’elle était moins absurde que le quotidien des libraires depuis des années. »

Nombre de personnes travaillant dans la filière ressentent ce malaise, tant d’un point de vue social qu’environnemental. Car les deux sont liés. « À la naissance de l’association, en juin 2019, il y avait une sidération générale. Mon métier de libraire, qu’on dit être passeur de textes, a-t-il encore du sens quand 90 % de mon travail consiste à déballer et à remballer des cartons ? Être auteur, éditeur, à quoi cela sert-il quand la plupart des nouveautés ne restent qu’environ trois semaines en librairie ? », note Mme Massola, qui dirige la librairie Le Rideau rouge, à Paris. « Une critique de la chaîne du livre, d’un point de vue écologique, conduit à se rendre compte qu’il s’agit d’un problème systémique, qu’il y a des logiques capitalistes, financières et industrielles derrière. Nous réfléchissons à partir de trois piliers : l’écologie sociale, symbolique et matérielle. La manière dont on décide de fabriquer un livre a des implications sociales, par exemple avec la délocalisation des imprimeries. »

« Ensuite, le livre est un véhicule d’idées, poursuit Mme Massola. Or il y a un paradoxe entre le nombre de choses produites et la réelle diversité des idées produites. On assiste à une logique d’auteurs à succès qui fabrique de la monoculture et nuit à la “bibliodiversité”. Enfin se pose la question des ressources, du papier, des encres, de la colle, du lieu d’impression, du transport, etc. » L’association propose de « penser le monde du livre comme un écosystème, pour créer des interdépendances qui soient soutenables ». L’écologie du livre fait de plus en plus parler d’elle. En 2024, le Syndicat de la librairie française (SLF) a fait de l’« écologie du métier de libraire » le thème de ses rencontres nationales à Strasbourg.

Plusieurs acteurs alertent sur la surproduction globale. Le problème est ancien mais s’accentue. En 2021, le secteur du dépôt légal de la Bibliothèque nationale de France (BNF) a reçu 88 000 nouveaux livres imprimés, soit un quart de plus qu’il y a dix ans. En comptant les rééditions et les réimpressions, les 500 principales structures de l’édition ont publié 111 000 titres en 2022. Entre 1999 et 2019, le nombre de nouveautés a augmenté de 76 % (1). L’inflation est devenue structurelle avec la concentration des éditeurs. Ce problème apparu dès les années 1980 et bien identifié depuis les années 2000 s’accélère au fil des rachats successifs par des groupes de plus en plus gros et des milliardaires en quête d’influence (2). « Sur la question de la concentration, les douze premières maisons d’édition en France représentent 87 % du marché et les quatre premières 55 %. Avec ces deux chiffres, on a presque tout dit », résumait Mme Régine Hatchondo, présidente du Centre national du livre (CNL), devant la commission de la culture du Sénat le 29 mai dernier. Une part congrue du marché revient aux autres éditeurs, qui seraient 2 750 selon le ministère de la culture et plus de 4 000 si on compte les plus petites structures parfois gérées bénévolement (3).

Pour conserver sa place, chaque grand groupe cherche à couvrir toute la gamme des publications : essais, littérature adulte, jeunesse, bande dessinée, guide pratique… Il s’agit pour eux d’être présents toute l’année sur les tables des librairies et des grandes surfaces. Un bon moyen d’écraser la concurrence en s’appuyant sur leur point fort, la distribution. Car il faut souligner que les quatre premiers groupes (Hachette, Editis, Madrigall et Média-Participations) possèdent leur propre distributeur, l’acteur-clé qui stocke et transporte les livres jusqu’aux librairies. Ils concentrent ainsi 80 % du chiffre d’affaires lié à la distribution. Or cette organisation s’avère problématique.

Pour M. Jean-Philippe Fleury, attaché commercial aux Belles Lettres Diffusion Distribution (BLDD), « le problème est avant tout structurel. Les acteurs de la “chaîne du livre” sont tous plus ou moins des artisans, et le seul échelon à caractère industriel, celui de la distribution, occupe une position centrale avec un modèle de croissance et des logiques d’accumulation. La distribution impose son tempo et dicte in fine le rythme des parutions. Le flux prime ainsi sur le fonds. Les temps d’exposition des livres sont de plus en plus courts, une nouveauté chassant l’autre. Tout le monde est sommé d’alimenter la machine : éditeurs, libraires, diffuseurs, au risque de se retrouver hors course ».

En jouant sur des économies d’échelle, les grands groupes négocient ainsi plus facilement les prix d’impression et peuvent se permettre d’imprimer bien davantage que les petites maisons d’édition. Pour capter la moindre part de marché, les premiers inondent ainsi les libraires de titres, quitte à générer beaucoup d’invendus. Les retours effectués par les libraires sont, pour une petite part, réintégrés dans les dépôts des distributeurs, qui en renvoient eux-mêmes certains aux éditeurs (en fonction de l’accord contracté), et ceux restants sont « mis au pilon », selon le jargon de la profession. Ils sont alors récupérés par des entreprises de recyclage, et finissent brûlés ou transformés en pâte à papier pour devenir en grande partie du papier hygiénique ou des cartons d’emballage de pizzas. Cela ne coûte quasiment rien aux maisons d’édition, contrairement à la conservation des livres, qui demande tri, manutention, conditionnement, entreposage et frais de stockage.

Les retours auraient ainsi concerné en moyenne 19,3 % des livres produits en 2021 et 2022, et le pilon 13,9 % — soit 25 000 tonnes de déchets —, selon le Syndicat national de l’édition (SNE), qui fait cette estimation à partir d’un échantillon de six distributeurs qu’il juge représentatifs (4). S’y ajoutent les livres conservés en catalogue un temps avant d’être eux aussi détruits. En comptant le nombre moyen d’invendus entre 2014 et 2022, environ 17,5 % des livres neufs seraient détruits chaque année, la part des recyclés restant faible.

Difficile d’en savoir davantage sur le détail des quantités fabriquées et vendues.

Toute question se heurte à des réponses aux contours flous et aux informations évanescentes. Le petit nombre des « grands acteurs » de la filière cultive le mystère au prétexte de la concurrence… ou de la solidarité. Selon l’observatoire (5) monté par le SLF, le taux de livres renvoyés est plus faible chez les plus petits libraires (14,2 %, contre 20,9 % chez les plus gros). Selon ce même observatoire, cela concerne surtout les nouveautés et plus encore la littérature (30 % des retours pour un peu plus de 25 % du marché). Selon Livres Hebdo, le taux moyen de retours atteignait 24 à 26 % en 2022 dans les grandes surfaces culturelles et 27 à 28 % dans les hypermarchés.

Les cinq plus grands acteurs de la distribution (Hachette, Interforum pour Editis, Sodis et Union Distribution pour Madrigall, MDS pour Média-Participations) n’ont pas souhaité répondre à ces questions. Si les données montrent des retours moins importants dans les petites librairies, contrairement aux grandes surfaces culturelles, du côté des distributeurs l’analyse est en réalité plus complexe. Les structures de taille moyenne ont souvent plus de livres renvoyés par les librairies que les gros, mais, finalement, ils pilonnent moins — entre 3 et 14 % des livres produits, contre 13 à 16,5 % pour les cinq grands selon nos calculs. Et ce alors que les best-sellers assurent de très faibles retours à ces derniers. Les petites maisons d’édition vivent souvent dans une économie précaire et préfèrent récupérer leurs défraîchis pour leur donner une seconde vie. Les plus grandes ne se posent même pas la question. Le bal du pilon

Parmi les plus petits diffuseurs-distributeurs, M. Benoît Vaillant, cocréateur de Pollen, confirme de grands écarts dans les pratiques vis-à-vis des invendus : « Parce qu’on travaille surtout avec des éditeurs indépendants qui ne peuvent pas réimprimer facilement, seulement 10 à 15 % de nos retours partent au pilon, alors que cela peut concerner les trois quarts pour les plus gros distributeurs. Trier, nettoyer, remettre en stock dans la bonne étagère, tous ces gestes mis bout à bout, ce n’est pas rentable, surtout les formats poche qui sont des gros volumes. »

Réduire le pilon ou ne pas le pratiquer du tout, certaines maisons d’édition y parviennent. Cela nécessite de porter une grande attention aux quantités imprimées et à la gestion des stocks, mais aussi de conserver dans son catalogue les titres le plus longtemps possible, en réalisant un suivi et des offres commerciales régulières. Pour continuer de faire vivre un titre, les éditeurs le reproposent parfois après quelques années, pour des événements, des catalogues thématiques, lors de la sortie d’un nouveau livre dans une même collection, dans des packs promotionnels. Mais les libraires prennent de moins en moins de livres qui leur semblent risqués.

Au beau milieu de la Touraine, bien loin des centres de distribution de la région parisienne, d’immenses bâtiments abritent la Société genilloise d’entrepôt (SGE). Entre des étagères de plus de cinq mètres de haut, remplies de livres et d’objets divers et variés, un petit local est réservé au rafraîchissement des ouvrages. Six personnes s’activent. Sous la houlette de Pascal, Sylvie, Quentin, Marie-Noël, Laurence et Katia trient des cartons, nettoient les couvertures, décollent les étiquettes, poncent les tranches et gomment les imperfections. À la sortie, les livres semblent comme neufs.

« Avec cette rénovation, on sauve 60 % des retours, 80 % même si l’éditeur accepte les défraîchis, note le directeur Charles Henry d’Ocagne. Pour 50 centimes par livre, cela vaut le coup. C’est dans l’air du temps. On a de plus en plus de maisons intéressées. On devrait passer de deux à quatre millions de livres traités en 2025. »

Quelques éditeurs pionniers, qui publiaient des contenus sur l’écologie, se sont questionnés sur la manière de faire des livres. Terre vivante, par exemple, a fait réaliser une analyse de cycle de vie dès 2011. Une dizaine de maisons, dont Rue de l’échiquier ou Plume de carotte, ont créé le collectif des éditeurs « écolo-compatibles » puis participé à la création de la commission environnement et fabrication du SNE, avant d’en partir : « Assez vite, on s’en est désintéressé, car ça devenait très “technico-technique”. Bien sûr c’est intéressant, mais c’est loin de suffire », estime M. Frédéric Lisak, éditeur de Plume de carotte, qui poursuit la réflexion avec l’Association des éditeurs de la région Occitanie (ERO) et les librairies indépendantes de cette région.

Plus récemment, les grands groupes ont commencé à réaliser des bilans carbone. Hachette avait ouvert le bal en 2015. Bayard, Editis, L’École des loisirs, ont suivi, tandis que Madrigall devrait terminer le sien fin 2024. « Il y a toujours une part du marché qui s’en moque et une autre qui se pose des questions. Depuis trois ans, énormément de maisons d’édition s’intéressent à la question du climat. La fameuse directive européenne de décembre 2022 sur la publication en matière de durabilité par les entreprises a énormément fait bouger les choses », s’enthousiasme M. Benoît Moreau, créateur d’Ecograf, une entreprise de conseil qui accompagne éditeurs et imprimeurs dans la mise en place d’une stratégie environnementale. Cette directive impose aux entreprises de plus de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires de réaliser des études plus conséquentes et de présenter des stratégies de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre.

L’analyse de cycle de vie s’avère bien plus intéressante puisqu’elle prend en compte l’ensemble des effets sur l’environnement. Les outils montrent cependant la même chose : le poste le plus délicat revient à la fabrication de papier, qui consomme une grande quantité d’énergie et d’eau et entraîne une dégradation de milieux naturels (6).

Tout comme les céréales, la pâte à papier s’échange sur un marché mondial que se partagent une vingtaine de multinationales, bien plus puissantes que les éditeurs français. Problème : ce système invisibilise l’origine de la fibre de papier et donc des forêts dont elle est issue. Une papeterie établie en France ou en Norvège, lorsqu’elle ne transforme pas elle-même la cellulose en pâte à papier, reçoit sa matière première d’un peu partout, explique M. Daniel Vallauri, coauteur de trois rapports sur l’édition au Fonds mondial pour la nature (WWF) : « Faire du papier, c’est une grosse cocotte-minute dans laquelle on met plein de choses et, selon les approvisionnements, vous pouvez avoir de la pâte à papier qui vient du Brésil mélangée avec celle qui vient de chez nous. En Italie et en Espagne par exemple, il y a beaucoup d’importations du Brésil. » Selon lui, le mode de gestion des forêts est déterminant : « Au Brésil ou en Indonésie, on trouve des plantations industrielles d’eucalyptus ou d’acacias. Quand ces cultures sont coupées au bout de dix ans seulement, la biodiversité n’a pu s’y développer. Il faudrait améliorer la part laissée à la nature. » Fabriquer sans nuire

Dans l’ignorance de l’origine du papier, nombreux sont ceux qui s’en remettent aux labels. Celui du Conseil de gestion des forêts (CGF, ou FSC selon le sigle anglais) garantit l’existence d’un plan de gestion forestière, un niveau de qualité et une traçabilité. Celui du programme de reconnaissance des certifications forestières (PECF, ou PEFC) ne valide qu’un engagement d’amélioration continue. Selon le SNE, 98 % des papiers achetés par les éditeurs français étaient labellisés en 2022, mais le syndicat ne recense pas le type de label utilisé. Or il y a de grandes différences entre les deux. « Le PEFC est le label monté par l’ensemble de l’industrie, résume M. Vallauri. C’est l’équivalent de l’agriculture raisonnée face au bio. D’un point de vue forestier, l’exigence du PEFC est d’une façon générale bien en dessous du FSC, y compris en France. Et c’est d’autant plus critiquable qu’on est dans un contexte de plantations très intensives, industrielles, et dans des régions où il y a de l’exploitation illégale. Le FSC n’est pas parfait, mais il impose un certain nombre de cadrages, plus exigeants. »

Des enquêtes journalistiques, comme celle diffusée sur France 2 en 2017 (7), ont montré que les organismes attribuaient la certification PEFC à tout à fait autre chose que des forêts… En 2023, les organisations non gouvernementales Greenpeace Canada et Auriga Nusantara ont protesté auprès du FSC contre l’entreprise canadienne Paper Excellence, dirigée par M. Jackson Widjaja. En cause, ses liens avec l’entreprise indonésienne Asia Pulp & Paper, dirigée par son père. Cette dernière a perdu sa certification à la suite de divers scandales, en 2013 comme en 2023, pour sa pratique de déforestation forcenée et d’implantation de monocultures d’acacias (8). Paper Excellence est aussi la maison mère de Fibre Excellence, qui détient deux usines de pâte à papier en France, à Saint-Gaudens et à Tarascon. Le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) a signalé qu’un fournisseur de ces usines avait été condamné pour vol de bois dans les Pyrénées, alors qu’elles affichent les certifications forestières FSC et PEFC (9). Le SNE n’a pas de réponse à ces interrogations. « Notre cheval de bataille, c’est que tout le monde demande un papier certifié à son imprimeur », se contente de rétorquer Mme Karen Politis Boublil, la chargée de mission de la commission environnement et fabrication au SNE.

Le papier destiné à l’impression de journaux, de livres ou de brochures est appelé « papier graphique » et défini par un poids de moins de 224 grammes au mètre carré. La France et l’Europe en fabriquent de moins en moins. « L’Europe en produisait cinquante millions de tonnes en 2005 et seulement vingt millions en 2022 », confirme M. Jan Le Moux, directeur économie circulaire et politiques produits de Copacel, la fédération française des papetiers. JPEG - 380.1 ko Brian Dettmer. — « Atlas de Biologia », 2005 © Brian Dettmer © Brian Dettmer

Certes, les livres ne consomment que 9 % du papier graphique utilisé en France, soit 215 200 tonnes en 2022. Mais 125 400 tonnes venaient de l’étranger (10). En outre, la pâte à papier produite dans l’Hexagone contient en moyenne 6,5 % de bois importé. Alors qu’on parle de réindustrialisation depuis la crise du Covid, l’édition poursuit le chemin inverse vers davantage de délocalisations. Dans l’impression déjà, des savoir-faire ont été perdus ou coûtent trop cher pour certains ouvrages complexes : livres pour enfants avec fenêtres-surprises, rabats ou leporellos (livres-accordéons) sont souvent fabriqués à la main en Asie.

Depuis les années 2000, les papeteries françaises qui produisaient du papier graphique ont fermé les unes après les autres ou se sont converties à la production d’emballage et de carton pour répondre à la demande croissante de la vente en ligne. Produire du carton pour Amazon s’avère plus rentable que de fabriquer du papier pour l’édition. En septembre 2023, Lecta a fermé sa ligne de papier graphique sur le site de Condat en Dordogne, entraînant le licenciement de 187 salariés, sans compter les 26 d’une entreprise de sous-traitance. « Notre machine numéro 4 était la dernière qui fabriquait du papier couché deux faces en France », précise M. Philippe Delord, délégué Confédération générale du travail (CGT) à Condat. En dépit de ces fermetures, Lecta a bénéficié de 14 millions d’euros de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) pour améliorer son rendement en construisant une chaudière à biomasse qui brûlera des déchets apportés par le groupe de recyclage Paprec.

La région Nouvelle-Aquitaine a, elle, prêté à taux zéro 19 millions d’euros en 2020 pour transformer la dernière machine de l’entreprise : « La machine numéro 8 sur laquelle je travaille maintenant produit de la glassine, le papier ciré et translucide utilisé comme support pour les étiquettes autocollantes. Avant, elle faisait du papier couché de très faible grammage. Ils ont eu une aide de 33 millions et, en contrepartie, ils se sont pourtant permis de licencier. » Une demande de remboursement de la part de la région est en cours. Les papetiers ont par ailleurs tous installé des chaudières à biomasse et bénéficié d’aides de l’État en soutien à la transition énergétique.

Si la composition des papiers fut à l’origine de nombreuses dérives dès la fin du XIXe siècle, elle s’est nettement améliorée : « Dès 1860, l’usage du bois devient massif, raconte M. Olivier Piffault, directeur de la conservation de la BNF. On broie les fibres, mais surtout on les sature de colle et d’adjuvants (du kaolin, de l’amiante…). Les papiers produits entre 1870 et 1970 environ donnent ce qu’on appelle les papiers acides. En vieillissant, ces papiers changent de couleur et deviennent cassants. Ils se déchirent, se fragmentent. Certains comme ceux des Folio ne tenaient même pas dix ans. Après 1980, des normes sont apparues pour exclure les éléments agressifs. Depuis trente ans, on utilise de plus en plus des azurants optiques pour blanchir le papier. Pour l’instant, on n’observe pas d’effets sur la structure. »

Plusieurs outils permettent aux acheteurs de savoir comment a été fabriqué le papier, avec quelles émissions de gaz à effet de serre et pour quelle quantité d’énergie. L’association Environmental Paper Network permet par exemple de calculer l’impact environnemental de n’importe quel papier. Chaque papetier peut aussi faire une déclaration sur la composition de son produit, l’énergie nécessaire à sa fabrication… Mais, au sein des maisons d’édition, nombreux sont les responsables de fabrication qui ne se renseignent pas à ce sujet. En outre, de très nombreuses structures n’achètent pas directement leur papier. Elles laissent ce travail aux imprimeurs, pour des raisons de temps, de négociation et donc de coûts.

Le règlement européen contre la déforestation et la dégradation des forêts, voté par l’Union européenne en mai 2023, vise à interdire tout produit ayant contribué à la dégradation des forêts après le 30 décembre 2020 (11). Il faudrait pour cela identifier précisément la parcelle dont est issu tout arbre transformé, et donc aussi toute fibre de papier. Si cela permettrait de mieux tracer les produits issus des forêts, certains acteurs le perçoivent comme un cauchemar. Et la plupart des papetiers s’y opposent… « Avec ce règlement, les gros éditeurs demandent à leurs fournisseurs l’origine de leurs produits et ça va profiter aux petits, comme nous, parce que les imprimeurs vont être obligés de mettre en place des outils. Ils ne pourront plus répondre qu’ils ne savent pas », se réjouit M. Mathias Echenay, éditeur de La Volte, membre de la commission environnement du SNE.

Au vu des difficultés à « produire sans nuisance », on pense recyclage. Mais le papier recyclé n’est pas très aimé dans l’édition. Seulement 1 % des livres en contenaient en 2022, contre 3 % en 2012 ! Il fait l’objet de réticences surprenantes. La première est que les lecteurs et les lectrices le trouveraient moins beau. On prétexte aussi une difficulté pour obtenir certaines couleurs pour les livres illustrés — cela nécessiterait un travail plus important. Un troisième argument affirme qu’il durerait moins longtemps : le procédé casserait les fibres qui le composent. On estime toutefois qu’il est possible de le recycler sept fois et qu’il durerait au minimum cinquante ans — tandis que ceux fabriqués après-guerre seraient décomposés en moins de vingt ans… Selon des analyses de cycle de vie menées par l’Ademe (12), le recyclage permet en réalité une économie de 4 521 kilowattheures d’énergie par tonne de papier et carton, et une réduction non négligeable de l’usage des sols ou de l’eutrophisation de l’eau douce et marine. Si le circuit de recyclage utilise des quantités importantes d’énergie et émet des gaz à effet de serre, il évite tout de même 84 kilogrammes équivalents CO2 par tonne de papier-carton produite par rapport à la fibre vierge.

Les éditeurs disent qu’il y a pénurie, et que le papier recyclé est de ce fait plus cher. Les producteurs rétorquent qu’il n’y a pas de demande. Des usines ont fermé, à l’image de l’immense site de Chapelle Darblay, qui produisait du papier journal 100 % recyclé jusqu’en 2020. Pourtant il y a de la matière. Le gisement de papiers et cartons récupérés était de 6 584 kilotonnes (kt) en 2022, mais à peine 512 kt ont été convertis en papier graphique, le reste servant pour les emballages et le papier hygiénique (13).

Cela peut surprendre, mais les diverses lois passées en 2015, 2020 et 2023 pour la transition énergétique et pour l’économie circulaire ne s’appliquent pas au livre. Cela signifie que les éditeurs ne paient pas d’écocontribution et que les livres ne sont pas triés par les collectivités. Le volume jeté n’est pas non plus mesuré. Ce qui rend impossible une quantification réelle. « Le livre s’achète, se transmet, on le revend d’occasion. Il ne se jette pas. Et si, d’aventure, il est trop usé pour être encore lu et qu’il doit être jeté, il y a la poubelle pour cela. » Voilà comment M. Pascal Lenoir, président de la commission environnement et fabrication du SNE, traitait la question en 2017 (14). Surprenantes réticences

Pourtant, on jette aussi les livres. En dehors du pilon, les gens vident leurs étagères, les bibliothèques ayant une place limitée. Des acteurs comme Emmaüs ou Recyclivre indiquent par exemple devoir jeter respectivement 85 % et 50 % des livres qu’ils récupèrent. Le WWF estime que jusqu’à 63 000 tonnes de livres sont jetées dans les poubelles en France et que, en intégrant le pilon, jusqu’à 170 000 tonnes pourraient être recyclées (15).

Enfin, certains imaginaient que le numérique apporterait des solutions. C’est tout le contraire. De manière générale, les coûts cachés et les nuisances des écrans sont toujours plus importants (16). Il en va ainsi lorsque l’on compare le livre papier avec une liseuse, pourtant bien moins énergivore qu’une tablette ou un micro-ordinateur. Des équipes de recherche ont réalisé des analyses de cycle de vie. Leurs résultats diffèrent, mais plusieurs concluent qu’une liseuse ne devient plus vertueuse qu’à partir de quarante ouvrages par an, ce qui concerne peu de lecteurs (17).

Les grands acteurs de la filière n’hésitent pas à brandir l’exception culturelle pour défendre leur marché contre toute obligation de transparence. Mais, quand on les titille sur leurs pratiques, ils préfèrent ne pas répondre. Que penser d’une industrie qui refuse de communiquer sur ses pratiques, tout en jouant de ses relations pour échapper à des réglementations plus sévères ?

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[-] klaqaus@sh.itjust.works 9 points 4 weeks ago* (last edited 4 weeks ago)

TLDR; Nous avons donc la Russie qui propose un droit d'asile à l'extrême-droite européene.

Si quelqu'un est calé en matière de droit international pour filer une source sur les conventions d'extradition entre la France et la Russie, ça pourrait être intéressant. En matière de volonté de déstabilisation des régimes démocratiques, ça se met bien.

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Imaginons l’un de nos concitoyens, de retour en France après un long périple de cinq mois sans connexion à Internet. Il aurait échappé aux élections européennes et à la dissolution de l’Assemblée nationale, aux législatives qui ont vu naître le Nouveau front populaire et « l’arc républicain » contre le Rassemblement national (RN). Il n’aurait pas vécu la trêve des JO, ni les 51 jours sans gouvernement… Et le voilà planté devant son poste de télévision en ce 1er octobre 2024 à écouter le discours de politique générale de Michel Barnier.

Il lui faudrait être sacrément devin pour en déduire les épisodes précédents tant la politique du Premier ministre est loin d’une cohabitation avec un chef de l’Etat dans l’opposition. Après Edouard Philippe, Jean Castex, Elisabeth Borne et Gabriel Attal, Michel Barnier s’inscrit pleinement dans la doctrine libérale d’Emmanuel Macron. Avec une teinte plus conservatrice car il doit également compter avec le RN de Marine Le Pen qui décidera ou non de la survie de ce gouvernement.

La situation inédite de crise démocratique et économique dont il hérite le pousse toutefois à se démarquer de ses prédécesseurs. Alternatives Economiques revient sur dix annonces qui vont de la franche rupture à la légère inflexion par rapport à la politique menée jusqu’ici par le chef de l’Etat.

1/ Augmenter enfin les impôts

La rumeur courait, le Premier ministre l’a confirmée : une partie de l’effort de maîtrise des comptes publics des prochaines années passera par des hausses d’impôts. Cela représente un changement de braquet important par rapport aux sept années de macronisme profondément antifiscales.

Michel Barnier a d’emblée relativisé la situation de la dette publique française : « Si l’on n’y prend pas garde, elle mettra notre pays au bord du précipice. » Le futur est de rigueur, donc la France n’est pas aujourd’hui en faillite, et ne se rapprochera du précipice que si l’on ne fait rien.

Difficile d’être en désaccord avec ce constat. Oui, le nouveau gouvernement hérite d’une situation fragilisée. Selon les dernières données de l’Insee, la dette publique française s’établissait à la fin juin dernier à 3 228,4 milliards d’euros, soit 112 % du PIB. Avec un déficit public désormais prévu par Bercy autour de 6 % cette année et autant l’an prochain, notre dette va continuer à progresser. Après les 5,5 % de l’an dernier, « si l’on n’y prend pas garde » la pente de la dette peut devenir dangereuse. A lire Alternatives Economiques n°451 - 10/2024

Mais, oui encore, la situation reste pour l’instant gérable. Les créanciers demandent toujours entre 2,5 et 3 fois plus de dette française qu’il n’y a d’offre. Les acheteurs asiatiques sont en recul, mais les banques et les compagnies d’assurance ont pris le relais. Le Premier ministre a souligné le poids de la charge d’intérêt de la dette (51 milliards) mais il reste autour de 1,8 % du PIB, largement en dessous de sa moyenne historique (2,4 %).

Afin de redresser la situation, Michel Barnier a donné plusieurs indications fortes. D’abord, l’objectif est de ramener le déficit à 5 % du PIB l’an prochain, donc gagner 1 point de PIB, 30 milliards d’euros en statique, et 30 milliards de plus pour couper la tendance actuelle à la hausse, soit 60 milliards au total précise-t-on du côté de Bercy. Le gouvernement va, deuxième annonce, se donner jusqu’à 2029 pour tenter de revenir vers un déficit à 3 % du PIB, soit cinq ans à négocier avec la Commission européenne.

Pour autant, le chemin sera difficile et il impliquera un effort portant aux deux tiers sur les dépenses (l’Etat pour 20 milliards, le reste sur la sécurité sociale et les collectivités locales) et un tiers sur les recettes. C’est le retour des hausses d’impôts. Pour qui ? Les grandes et très grandes entreprises qui font des profits importants seront mises à contribution ainsi que les Français les plus fortunés avec une contribution exceptionnelle, en même temps que sera menée la lutte contre la fraude fiscale et sociale.

Bruno Le Maire nous a laissés dans une situation budgétaire telle que la France ne peut plus échapper à une cure d’austérité qui démarre en 2025 et se poursuivra ensuite. Le gouvernement va nous l’administrer à dose régulière mais il faudra attendre la présentation du budget la semaine prochaine pour savoir précisément quel goût aura la potion et dans quelle mesure la justice sociale en sera l’un des ingrédients.

Christian Chavagneux 2/ Donner un (léger) coup de pouce au Smic

Enfin ! Pour la première fois depuis douze ans, le Smic va progresser plus vite que prévu sur décision d’un gouvernement. Michel Barnier a en effet annoncé que ce salaire minimum interprofessionnel de croissance sera revalorisé de 2 % dès le 1er novembre.

Certes, ce mini-coup de pouce a des airs d’« os à journalistes » puisque cette annonce a toutes les chances d’être reprise par tous les médias – Alternatives Economiques n’y échappe pas – alors que son importance est plutôt marginale. En effet, cette hausse n’est qu’une anticipation d’une revalorisation qui aurait eu lieu mécaniquement le 1er janvier 2025.

Mais, d’une part, pour celles et ceux qui comptent les centimes à la fin du mois, ces deux mois de gagnés sont toujours bons à prendre. Et, surtout, cette hausse remet en cause la doctrine d’Emmanuel Macron sur le sujet. Jusque-là, le Président avait suivi à la lettre les conseils du groupe d’experts sur le Smic, qui, année après année, conseille aux gouvernements successifs de ne pas donner de coup de pouce au salaire minimum au nom de la compétitivité de l’économie française.

Ainsi, les seize revalorisations qui ont eu lieu depuis juillet 2012 étaient toutes liées aux augmentations automatiques qui sont prévues par la loi pour tenir compte de l’inflation. En creux, cette anticipation de la revalorisation est un aveu implicite de l’insuffisance du niveau du Smic pour vivre dignement.

Les autres annonces sur les revenus s’inscrivent dans la continuité de la politique macroniste. Ainsi, le gouvernement compte inciter les employeurs à utiliser encore davantage les dispositifs d’épargne salariale pour faire un geste envers leurs salariés. Un choix regrettable car les défauts de ces outils sont nombreux : les primes ponctuelles qui les caractérisent sont souvent versées au détriment de la hausse durable des salaires, elles sont très inégalitaires et, surtout, elles assèchent les recettes de la Sécurité sociale car elles sont largement exonérées de cotisations sociales.

Enfin, le gouvernement promet de revoir le système des allègements de charges sur les bas salaires qui conduit, selon l’exécutif, à une « smicardisation » du pays. Un chantier qui sera sensible car le patronat tient à ces aides fiscales qui se chiffrent désormais à près de 80 milliards d’euros par an.

Vincent Grimault 3/ Rouvrir le dialogue sur un aménagement des retraites

Pour le précédent gouvernement, la réforme des retraites était un dossier clos. Michel Barnier l’a rouvert. « Il faudrait reprendre le dialogue », a-t-il déclaré. Il faut dire que le sujet avait été central lors des législatives. Le Nouveau front populaire avait fait de l’abrogation de la réforme l’une des priorités.

Ce 1er octobre, Michel Barnier est loin d’avoir annoncé un retour en arrière. Mais « certaines limites de la loi qui a été votée le 15 avril 2023 peuvent être corrigées, a-t-il reconnu. Les questions des retraites progressives, de l’usure professionnelle, de l’égalité entre les femmes et les hommes face à la retraite méritent mieux que des fins de non-recevoir. » Sur ces sujets, l’exécutif a invité les partenaires sociaux à « réfléchir à des aménagements raisonnables et justes de la loi ».

Les organisations syndicales, que Michel Barnier a rencontrées avant son discours, ont établi une liste de mesures pour améliorer la réforme. La première d’entre elles, revenir sur l’âge légal de départ en retraite, porté à 64 ans en 2023, a peu de chance d’être retenue. Même s’il ne l’a pas dit stricto sensu, Michel Barnier a donné le ton en fixant un cadre : « Il est impératif de préserver l’équilibre durable de notre système de retraites par répartition. » Au vu de ses propos sur la réduction des dépenses, on imagine mal le chef du gouvernement faire le choix d’augmenter les recettes du système de retraites.

Les discussions avec les partenaires sociaux qui doivent avoir lieu dans les prochaines semaines promettent d’être vives. D’autant que le Premier ministre les a également invités à négocier sur l’emploi des seniors et sur l’assurance chômage.

Audrey Fisné-Koch 4/ En finir avec le soutien inconditionnel à l’apprentissage

« Nous voulons continuer de soutenir l’apprentissage, mais en évitant les effets d’aubaine », a déclaré le Premier ministre. Et c’est un changement notable car depuis son arrivée au pouvoir, Emmanuel Macron a fait de l’apprentissage un totem. N’hésitant pas à y consacrer un « pognon de dingue » (entre 22 et 25 milliards d’euros pour 2024, d’après le chercheur Bruno Coquet). Tout ça, pour atteindre l’objectif du million d’apprentis.

Cela a certes contribué à faire baisser le taux de chômage (et la productivité, par la même occasion), mais cette politique a aussi créé d’importants effets d’aubaine et a majoritairement profité aux étudiants de niveau Bac+2 à Bac+5. Même son effet sur l’insertion professionnelle est aujourd’hui contesté.

« Nous ne pourrons pas dépenser plus. Il faut dépenser mieux », a donc prévenu Michel Barnier. Reste à savoir s’il mettra bel et bien fin à l’open bar des aides aux entreprises1 et qu’il orientera les dépenses vers des politiques d’emploi efficaces et surtout, plus justes.

A ce propos, le chef du gouvernement a donné quelques pistes en évoquant les dispositifs d’insertion par l’activité économique (IAE), le travail adapté notamment pour les personnes en situation de handicap et les expérimentations telles que les « territoires zéro chômeur ». « Ils donnent des résultats et doivent être encouragés », s’est-il félicité.

La démarche s’inscrirait à contre-courant de la revue de dépenses envoyée à Gabriel Attal avant la dissolution et réalisée par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’Inspection générale des finances (IGF) qui proposaient des coupes dans ces mêmes politiques d’emploi.

Pour le reste, Michel Barnier s’inscrit dans la continuité de la politique de workfare entamée par ses prédécesseurs macronistes. Il a ainsi tenu à confirmer la généralisation de la réforme du RSA, qui conditionne l’allocation à quinze heures d’activité. « Le RSA ne doit pas être uniquement un filet de sécurité. Nous devons en faire un tremplin vers l’insertion, un nouveau contrat social fait du droit d’être aidé et du devoir de chercher, vraiment, un travail. »

A. F.-K. 5/ Reconnaître les Premières lignes

Une « grande loi infirmières infirmiers » pour reconnaître « leur expertise et leurs compétences » et leur donner « un rôle élargi dans la prise en charge des patients », a annoncé Michel Barnier. Et ce, dans le but d’accélérer l’accès aux soins. Cette logique pourrait même être étendue « aux pharmaciens et aux kinésithérapeutes ».

Question : comment ces nouvelles compétences seront-elles valorisées financièrement ? Et quelle durée d’études y sera associée ?

A condition de n’être pas un marché de dupes, cette mesure va plutôt dans le bon sens. Il faudra voir aussi quelle sera son articulation avec le métier d’infirmière de pratique avancée (IPA), chargée elle aussi de soulager le médecin dans le suivi des patients chroniques notamment. Mais le développement de ce nouveau métier achoppe sur une trop faible valorisation financière.

Dans la même veine, le Premier ministre a aussi évoqué un « programme Hippocrate » : les internes français et étrangers s’engageraient à l’issue de leurs études à exercer dans des territoires où l’on manque de médecins. Pour le reste, le locataire de Matignon n’est pas allé jusqu’à vouloir réguler l’installation des médecins, comme le demande un groupe de travail transpartisan.

Il s’est prononcé en faveur de la poursuite de la politique menée pour dégager du temps médical : multiplier les assistants médicaux, les bus médicaux, les regroupements de médecins, la télémédecine, l’intelligence artificielle et le cumul emploi-retraite pour faire revenir au charbon les médecins retraités.

A l’hôpital non plus, rien de nouveau sous le soleil : il s’agit de généraliser le service d’accès aux soins (SAS) qui impose d’appeler le 15 avant de se rendre aux urgences, afin de ne pas les encombrer ; d’organiser la complémentarité entre la ville et l’hôpital, un mantra vague avec lequel tout le monde sera d’accord, et, thème cher à la droite, de mieux organiser la complémentarité entre l’offre publique et l’offre privée.

Le Premier ministre veut aussi « débureaucratiser » en réduisant les formalités pour les médecins, et espère ainsi augmenter de 15 % le temps dédié aux consultations. A l’hôpital, c’est l’intelligence artificielle qui permettra de faire diminuer la paperasse.

Pas d’inflexion notoire sur le dossier santé, mais les mots talisman de sa famille politique et aucune annonce de nouveaux moyens. L’amélioration de l’accès aux services publics est manifestement, pour le Premier ministre, uniquement une question d’efficacité et de meilleure organisation.

Céline Mouzon 6/ Freiner sur l’éolien

Développer les énergies renouvelables, oui, mais il faudra mieux en mesurer les impacts et spécialement ceux des éoliennes. Rares sont les objets industriels dont les effets écologiques et sociaux soient plus documentés et mieux maîtrisés et ce propos du Premier ministre pourrait surtout exprimer une volonté d’en remettre en cause le déploiement, comme le veulent la droite LR et le RN.

Jusqu’ici, la politique suivie par le gouvernement était plus ou moins conforme à l’avis des experts : quelle que soit l’option retenue sur le nucléaire, la décarbonation du système énergétique passe obligatoirement par un déploiement accéléré des installations d’électricité renouvelable de puissance, soit les parcs éoliens terrestres et marins et le solaire au sol. Une remise en cause de cette politique marquerait un tournant majeur et dévastateur.

Au chapitre de l’écologie, le discours de politique générale du nouveau Premier ministre se place dans la continuité des précédents gouvernements. Une ambition affichée : « dire la vérité au Français sur la dette écologique », « ne pas sacrifier l’avenir au présent », etc. Mais sans annonces à la hauteur du sujet.

Sont évoqués pêle-mêle une énième concertation sur l’eau sans objectif précis, un rappel de la vocation productive de l’agriculture et un appel à la « simplification » des normes dans ce domaine. Et bien entendu, aucune réponse sur la manière de dégager de l’ordre de 60 milliards d’euros par an d’investissements privés et publics pour se mettre sur la trajectoire de sortie des fossiles inscrite dans la loi.

Antoine de Ravignan 7/ Logement : remettre en cause l’objectif Zéro artificialisation nette

« Nous devons faire évoluer de manière pragmatique et différenciée la réglementation “zéro artificialisation nette” (ZAN) pour répondre aux besoins essentiels de l’industrie et du logement », a souligné Michel Barnier. Une rupture majeure, alors que depuis 2021, date de son adoption, les gouvernements successifs d’Emmanuel Macron avaient tenu bon sur cet objectif.

Le ZAN fixe essentiellement le principe qu’en 2050, toute nouvelle construction sur de nouvelles terres est interdite, sauf à rendre à la nature une surface équivalente. De quoi, effectivement, remettre en cause les politiques usuelles de construction par étalement urbain, en particulier de pavillons individuels, gourmands en espace. Et inviter à investir d’autres moyens de produire du logement, comme la résorption des logements vacants ou la « densification douce » (construction dans les parcelles végétales des zones pavillonnaires).

Mais la crise profonde de la construction semble avoir eu raison de ces arguments, pourtant cohérents avec les propositions de la convention citoyenne pour le climat et les engagements européens de la France. Le risque, désormais, est que se réveillent les égoïsmes locaux, chacun plaidant sa spécificité pour continuer à artificialiser en attendant que ce soit les autres qui fassent l’effort de sobriété.

Emporté par son élan dérégulateur, le Premier ministre a également annoncé un assouplissement des normes de construction (comme l’avait déjà fait la loi Elan en 2019 concernant l’accessibilité) et de réhabilitation.

Il a par ailleurs présenté comme une mesure de « justice sociale » le principe selon lequel « les bailleurs doivent pouvoir réexaminer régulièrement la situation de leurs locataires afin d’adapter les loyers à leurs ressources », et proposé de « donner plus de pouvoir aux maires dans l’attribution et la priorisation des logements sociaux sur leur territoire ». Deux idées déjà avancées dans le projet de loi Kasbarian (du nom du précédent ministre du Logement), qui avait fait l’unanimité contre lui des acteurs associatifs et du secteur du logement social avant d’être stoppé net par la dissolution.

Xavier Molénat 8/ Mieux exécuter les OQTF

Pas de suppression de l’aide médicale d’Etat, pas de préférence nationale dans l’attribution des prestations sociales, bref, pas de reprise des mesures de la loi immigration censurées par le Conseil constitutionnel en janvier dernier : Michel Barnier n’a pas embrayé sur les idées défendues par son ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, et le RN.

Une nouveauté cependant : son gouvernement facilitera « la prolongation exceptionnelle des étrangers en situation irrégulière pour mieux exécuter les OQTF [obligations de quitter le territoire français, délivrées à des étrangers en situation irrégulière, NDLR] ». Autrement dit, il veut étendre à plus des 90 jours maximum aujourd’hui prévus par la loi, la durée de la rétention. Cette dérogation est aujourd’hui possible, à 210 jours, pour les seuls individus condamnés pour terrorisme.

L’idée de cette extension vient en fait d’une proposition de loi déposée par la Droite républicaine (ex-LR), qui invoque dans l’exposé des motifs le féminicide de Philippine par un étranger sous OQTF tout juste libéré du centre de rétention. La Droite républicaine propose d’étendre à 135 jours la durée maximale de la rétention, et d’étendre aux étrangers condamnés pour un crime (au lieu d’actes terroristes), la durée de 210 jours.

Problème : en juin 2011, le Conseil constitutionnel avait estimé que la durée de rétention ne pouvait excéder six mois. A voir s’il reviendra sur cette décision.

Tout en prétendant « sortir l’immigration de l’impasse idéologique » et aborder le sujet avec « lucidité et pragmatisme », Michel Barnier se situe dans la droite ligne des précédents gouvernements : il veut accélérer le traitement des demandes d’asile, éloigner plus d’étrangers, maintenir un contrôle aux frontières extérieures de la France « aussi longtemps que nécessaire », alors qu’il s’agit d’une mesure dérogatoire aux accords de Schengen, tout en invoquant – au grand dam de Marine Le Pen – le très répressif Pacte asile et migration adopté au printemps par l’Union européenne.

Il poursuivra aussi la politique menée par le précédent ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, qui a consisté à conditionner l’octroi de visas à des étrangers à la délivrance de laissez-passer consulaires par leur pays.

C. M. 9/ Sécurité : sus aux jeunes

Michel Barnier a placé en troisième position le chantier de la « sécurité au quotidien ». A suivre le Premier ministre, ce sont surtout les jeunes dont la « violence rend impossible la vie de quartiers entiers » qui pourraient être concernés par les réformes du Code pénal à venir. A commencer par la possibilité de faire juger les mineurs de plus de seize ans en comparution immédiate pour des « actes graves d’atteinte à l’intégrité des personnes », plutôt que par la justice des mineurs, qui a l’habitude de prendre le temps d’examiner les cas qui lui sont soumis.

L’excuse de minorité, qui réduit de moitié le quantum des peines encourues serait aussi revisitée, probablement en reprenant la réflexion de Gabriel Attal qui, en juin dernier, souhaitait inverser l’obligation de motivation par les juges. Plutôt que de motiver dans son jugement la levée de l’excuse, il devrait motiver pourquoi il en fait bénéficier le condamné…

Tout sent l’urgence dans cette partie du discours : urgence à condamner, urgence à exécuter les peines. Plutôt des peines plus courtes, pourvu qu’elles soient rapidement et complètement exécutées par les condamnés. Le Premier ministre n’a pas précisé les moyens d’une telle réforme de la pratique judiciaire : réforme du Code pénal, du Code de procédure, augmentation des moyens des tribunaux et de l’administration pénitentiaire.

Enfin, Michel Barnier compte sur la « méthode des Jeux olympiques » pour rassurer les citoyens. De fait, la présence massive de forces de l’ordre a fait baisser la délinquance sur les sites proches des JO. Mais c’est au prix d’un effort sans précédent de dizaines de milliers de policiers et des gendarmes (tous les congés ayant été refusés pendant cette période), renforcés par la sécurité privée.

Là encore, Michel Barnier rejoint Emmanuel Macron et Gérald Darmanin qui exigeaient de « voir du bleu » dans l’espace public en créant des brigades nouvelles. Encore faudrait-il y mettre des moyens… massifs.

Hervé Nathan 10/ Nouvelle-Calédonie : refroidir la marmite, mais pas trop

Michel Barnier a fait le geste qu’Emmanuel Macron et Gabriel Attal avaient refusé de faire après les émeutes en Nouvelle-Calédonie : tuer le dégel du corps électoral, qui, sous prétexte de respecter l’égalité des citoyens devant le vote, condamnait la communauté kanak à être minoritaire dans son pays. Le projet de loi constitutionnelle adopté par l’Assemblée et le Sénat ne sera donc pas soumis au Congrès.

Une satisfaction pour les partisans de l’indépendance, une claque pour l’ex-majorité macroniste à l’Assemblée et la droite au Sénat, qui avaient porté ce projet. Reste désormais à rechercher « un consensus politique sur l’avenir institutionnel » de la Nouvelle-Calédonie.

Matignon, avec un ministre de l’Outre-mer qui lui est directement rattaché, reprend la main sur le dossier, au détriment du ministère de l’Intérieur. La présidente de l’Assemblée et le président du Sénat sont envoyés aux antipodes pour une « mission de concertation » rapide.

C’est sans doute là, la limite de l’ouverture : on sait qu’en Nouvelle-Calédonie, c’est le temps qu’il ne faut pas compter. Et sur place, les militants attendent surtout le retour de déportation de leurs leaders accusés d’avoir fomenté les troubles.

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C’est sans surprise que le Premier ministre, Michel Barnier, a annoncé, dans son discours de politique générale du 1er octobre, la généralisation de «la méthode expérimentée pendant les Jeux olympiques et paralympiques». En d’autres termes, la vidéoprotection augmentée par algorithmes, adoptée à titre expérimental et temporaire par la loi du 19 mai 2023, est appelée à être pérennisée, avant même la remise du rapport d’évaluation de l’expérimentation.

Le régime de la «vidéosurveillance», c’est-à-dire l’enregistrement et la transmission d’images de la voie publique aux autorités «aux fins d’assurer la protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords» est déjà ancien. Introduite par la loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995, la vidéosurveillance a été rebaptisée «vidéoprotection» par la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure du 14 mars 2011 (Loppsi 2), afin de rendre le terme plus positif : le citoyen doit en permanence être protégé, et non surveillé. La logique qui conduit à postuler un besoin toujours plus important de protection n’a, en revanche, jamais été interrogée, de même que l’efficacité concrète de la vidéoprotection sur le terrain reste à démontrer.

Les études sur ce point sont rares et le législateur peu intéressé par leurs conclusions. L’une des preuves est le fait que le rapport d’évaluation de l’expérimentation de la vidéoprotection algorithmique doive être remis au Parlement le 31 décembre 2024, soit trois mois avant la fin de l’expérimentation en mars 2025. Sans même attendre cette remise, le préfet de police, Laurent Nuñez, a déjà affirmé mercredi 25 septembre que le bilan de l’expérimentation était «positif».

Annoncée plusieurs mois avant la remise du rapport d’évaluation, la généralisation de la vidéoprotection augmentée par des systèmes d’intelligence artificielle, dont les bienfaits sont postulés semble-t-il par principe, s’inscrit dans une logique de fuite en avant sécuritaire peu transparente, sans évaluation des conséquences sociales et éthiques de l’adoption de ces technologies.

Il y a pourtant tout lieu d’interroger le dispositif et de prendre le temps du débat public. La vidéoprotection algorithmique, telle qu’elle est expérimentée actuellement en France, n’implique certes pas la reconnaissance faciale en temps réel dans l’espace public. Il s’agit, sur autorisation préfectorale et dans le cadre de manifestations sportives ou culturelles, d’identifier automatiquement et de signaler une série de huit «événements» définis par décret du 28 août 2023. Départs de feux, véhicules roulant à contresens ou encore mouvements de foule font partie des «événements» dont la détection automatique paraît de prime abord pertinente, sous réserve qu’elle facilite réellement la réaction des autorités compétentes sur le terrain, ce que seul le rapport d’évaluation de l’expérimentation permettra d’apprécier. D’autres événements définis par le même décret laissent circonspects, à l’instar de la détection automatique de la «densité trop importante de personnes», manifestement définie discrétionnairement par les services préfectoraux, ou encore du non-respect «du sens de circulation commun» par un piéton qui laisse entrevoir une société de la surveillance peu enviable. Corriger les imprécisions et lacunes

Une première nécessité consiste à corriger ces imprécisions, ne serait-ce que par transparence envers les administrés et pour éviter les dérives d’un dispositif qui constituerait, en l’état, une arme terrifiante aux mains d’un gouvernement moins soucieux des libertés fondamentales. Une autre mesure indispensable réside dans l’interdiction inconditionnelle de la reconnaissance faciale, laquelle nous conduit peu à peu au modèle dystopique de la surveillance étatique permanente, que nos sociétés démocratiques doivent être en mesure d’éviter. Il n’y a en effet qu’un pas entre l’identification d’«événements» déterminés et celle des individus sur la base de leurs données biométriques. Sur ce plan, le droit européen souvent invoqué est de peu de secours. Si le Règlement sur l’intelligence artificielle adopté le 13 juin 2024 fait en théorie de la «notation sociale» une ligne rouge, son article 5 permet bien l’utilisation de systèmes d’identification biométrique à distance en temps réel dans des espaces accessibles au public à des fins répressives, en cas de «menace réelle et prévisible d’attaque terroriste» ou encore en vue de «la localisation ou l’identification d’une personne soupçonnée d’avoir commis une infraction pénale» punissable d’une peine d’au moins quatre ans d’emprisonnement. Autrement dit, le législateur est seul arbitre du choix de société que constitue le déploiement de la vidéoprotection algorithmique, sur lequel il sera difficile de revenir.

Enfin, ce débat doit être l’occasion de remédier aux nombreuses lacunes du régime juridique de la vidéoprotection classique. A titre d’exemple, le fonctionnement comme la composition des Commissions départementales de vidéoprotection, créées dès 1995 et dotées du pouvoir d’annuler l’implantation d’un dispositif illégal depuis la Loppsi 2, sont parfaitement obscurs et doivent être encadrés. La loi devrait par la même occasion prévoir l’institution systématique et dès la première caméra, avec ou sans IA, d’un comité d’éthique de la vidéoprotection – faculté actuellement laissée à la totale discrétion des collectivités. Une composition transparente et un certain nombre de fonctions consultatives obligatoires permettraient, notamment, d’associer de manière systématique les administrés à la politique de sécurité locale.

Ce n’est qu’en évaluant correctement le dispositif actuel, sans présumer de la nécessité de le pérenniser et certainement pas en l’état, que ces trois conditions de la réussite du débat sur la vidéoprotection algorithmique qui s’annonce pourront être remplies.

[-] klaqaus@sh.itjust.works 9 points 1 month ago

Ça paraît logique.

[-] klaqaus@sh.itjust.works 17 points 1 month ago

500 000 euros par an c'est 41 666 € par mois, soit 30 fois le SMIC par mois.

Je pense tout simplement qu'ils travaillent 30x plus qu'un smicard moyen. Donc qu'ils font des semaines de 1 050 heures à la place des 35 heures.

[-] klaqaus@sh.itjust.works 7 points 1 month ago

Y'a tellement de trucs qui vont pas dans ce procès, c'est tellement un gros condensé de misères, de violences, de récits de vie bancals, j'ai l'impression que c'est infini.

En fait ça l'est, c'est infini, un peu comme une fractale de l'horreur qui se décuple en méta, le violeur violé, des enfants morts qui sont pas les tiens, des familles taiseuses, des accords tacites dans l'infâme, des pulsions racistes, des vengeances misogynes. Avec au centre de cette enfer Madame Pélicot qui sort d'un cauchemar de plusieurs années complètement sédatées, livrée à des dizaines et des dizaines de tarés.

[-] klaqaus@sh.itjust.works 13 points 1 month ago

la démocratie ne sert que pour les diversions et pas pour les trucs utiles?

C'est douloureux ce genre de question rhétorique.

[-] klaqaus@sh.itjust.works 7 points 1 month ago

Bonjour à touste surtout à la personne qui a inventé le caramel au beurre salé, c'est beaucoup trop bon

[-] klaqaus@sh.itjust.works 7 points 1 month ago* (last edited 1 month ago)

Le Collectif Stop Croisières : https://stop-croisieres.org/

[-] klaqaus@sh.itjust.works 6 points 1 month ago* (last edited 1 month ago)

Bonjour all !

Tranche de vie naze TW caca : un mec a roulé dans la merde et laisse son vélo dormir dans le garage à vélo. Ça fait donc une semaine que tous les jours en allant au taff je respire une odeur de caca à 8h du mat en récupérant mon vélo. Je réfléchis à un moyen civilisé de mettre fin à cette situation parmi lesquels :

  • mettre une affiche, ça fait voisin relou
  • brûler son vélo, mais c'est dangereux et pas gentil
  • nettoyer sa roue, c'est un peu soumis quand même

Finalement, je pense patienter et attendre que l'odeur se dissipe (appelons ça la procacastination). Aussi ça m'amène à me poser la question suivante : combien de temps une odeur de merde peut-elle demeurer ? Je pense que c'est aussi une question de revêtement sur laquelle elle se retrouve et la composition de la merde en question. Par exemple je me souviens d'une personne qui avait vomi dans le couloir de l'appart où il y avait de la moquette au sol, bien que nettoyer dans les 3 jours, l'odeur était restée durant des mois. Donc si vous avez une étude scientifique américaine à ce sujet je suis preneur, ça me permettra de réfléchir au feu ou pas.

[-] klaqaus@sh.itjust.works 7 points 1 month ago* (last edited 1 month ago)

Cet article est un peu daté, ça fait depuis Juppé que le foncier bordelais est devenu uniquement accessibles aux riches. La responsabilité en incombe autant aux pouvoirs publics qu'aux propriétaires qui sont contents de vendre leurs échoppes pourries achetées 80 000 € sous Chaban Delmas à 600 000€ aujourd'hui.

[-] klaqaus@sh.itjust.works 6 points 1 month ago

Nouveau resto concept en vue

[-] klaqaus@sh.itjust.works 7 points 1 month ago* (last edited 1 month ago)

Bonjour à touste sauf à Bruno Retailleau.

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klaqaus

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